Actualités -- JUIN 2000 --
N° 640
ETHOLOGIE
Le
singe, le bébé et le haut-parleur
L'un parle, l'autre
pas. Et pourtant, entre l'humain et le singe, il existe peu de
différences dans la perception du langage parlé. C'est ce que
révèlent les travaux menés en commun par des équipes française et
américaine. D'un côté, des nourrissons, étudiés à Paris par Franck
Ramus, du CNRS. De l'autre, un groupe de primates adultes, des
tamarins, scruté par Marc Hauser, du département de psychologie de
Harvard. Les deux groupes ont été soumis à la même série
d'expériences : l'étude de leurs réactions lorsqu'on les familiarise
successivement à l'écoute d'une langue, le néerlandais, puis d'une
seconde, le japonais.
Ces deux langues ont été choisies à cause de leur appartenance à
deux catégories rythmiques très distinctes (sur les trois, en tout,
établies par les linguistes). Alors qu'une simple modification de la
voix ne provoque aucune réaction, le changement de langue suscite de
la surprise chez les deux espèces. Le tamarin a tendance à tourner
son regard vers le haut-parleur qui s'est soudain mis à émettre ces
barbarismes inconnus, tandis que le bébé réagit plutôt en augmentant
la succion de sa tétine.
Le langage ne serait donc pas
vraiment le propre de l'homme ? En réalité, si différence il y a
entre l'humain et le singe, elle se situe à un niveau plus subtil.
Alors que les tamarins paraissent plus réceptifs aux propriétés
phonétiques de la langue, les humains, eux, semblent plus sensibles
à ses propriétés rythmiques.
PALEOANTHROPOLOGIE
Out of
Africa » : la route littorale
Un campement d'Homo
sapiens archaïques vieux de 125000 ans vient d'être découvert sur
les côtes de l'Erythrée, au bord de la mer Rouge. Jusqu'à présent,
on pensait que les hommes modernes étaient sortis d'Afrique en
empruntant des routes continentales. Or, l'énorme quantité de
déchets alimentaires d'origine marine exhumée sur le site d'Abdur,
par Robert C. Walter et son équipe, associée à des outils
d'obsidienne, prouve que les hommes modernes étaient bien mieux
adaptés à l'environnement côtier qu'on ne le pensait.
Pour le paléoanthropologue
Pascal Picq : « Cette découverte change complètement notre vision de
la sortie d'Afrique. Nous nous étions fixés sur des routes
terrestres, avec des hommes exploitant des ressources continentales,
alors qu'ils ont plutôt utilisé les ressources marines, et se sont
déplacés le long du littoral. » C'est ainsi qu'ils auraient suivi
les côtes de l'Afrique jusqu'à l'Asie.
GENETIQUE
La «
Listeria » mise à nue
|
Institut Pasteur |
Pour une fois, ce n'est
pas en mal que la Listeria fait parler d'elle. Le génome de cette
bactérie (Listeria monocytogenes) à l'origine de fréquentes
épidémies en France vient d'être séquencé par un consortium
européen. L'institut Pasteur, qui a coordonné cette opération,
travaille sur une autre espèce de Listeria, non pathogène celle-là
(Listeria innocua). La comparaison des génomes de ces deux formes
devrait permettre aux chercheurs de se faire une idée sur ce qui
fait le caractère pathogène de la bactérie. « L'objectif est d'avoir
accès à tous les gènes de virulence », précise Pascale Cossart, chef
de l'unité des interactions bactéries-cellules à l'Institut Pasteur.
Pur hasard : le génome du bacille de la lèpre vient également d'être
séquencé.
MULTIMEDIA
Le
livre électronique en examen
Le livre électronique, star du
dernier salon du livre, a-t-il un avenir ? Le tout nouvel
Observatoire des lectures électroniques, créé par le CNRS, va tenter
de répondre à cette question. Cinq chercheurs dont un informaticien,
un sociologue et un historien, vont ainsi se procurer une
cinquantaine de livres virtuels et les faire tester par des
enseignants, des documentalistes et autres spécialistes littéraires.
Leur but : définir les potentialités d'une telle technique.
« Composé d'un terminal de
lecture capable de télécharger des oeuvres dans des bibliothèques
virtuelles, le livre électronique se veut plus qu'un ordinateur de
poche qui enregistre une pile de romans pour les vacances, explique
Jean-Gabriel Ganascia responsable de l'Observatoire. Chaque écolier,
par exemple, lirait sur sa tablette électronique sur laquelle il
surlignerait un mot pour avoir accès directement à un dictionnaire
ou à une encyclopédie. » Premières conclusions début 2001
ASTROPHYSIQUE
Embarquez dans le trou noir
Si vous voulez passer
d'une région de l'Univers à une autre très éloignée, empruntez un
raccourci cosmique : un trou de ver. En d'autres termes, plongez
dans un petit trou noir et disparaissez de ce côté-ci de
l'espace-temps. Si vous avez bien choisi votre trou noir, il possède
une porte de sortie, quelque part dans une autre contrée lointaine
du cosmos. Vous resurgirez ainsi par un trou blanc, un astre très
hypothétique aux propriétés exactement inverses de celle d'un trou
noir et d'où jaillit spontanément de la matière.
Selon certains théoriciens, qui croient sérieusement à
l'existence des trous de ver, même s'ils n'ont jamais été détectés
jusqu'à présent, ces objets farfelus de la physique seraient nés
dans l'âge primitif de l'Univers, peu de temps après le Big Bang.
Seulement, on pensait qu'ils n'avaient pas survécu jusqu'à nous, du
fait de leur faible viabilité. Considérés comme instables, ils ne
demeureraient ouverts que grâce à de la matière à énergie négative,
dite exotique. De cette matière, cependant, l'Univers serait très
avare, si l'on en croit les données physiques actuelles. Cette
pingrerie condamne-t-elle les trous de ver à l'évaporation ?
C'est sans compter leur ruse,
indique Sergei Krasnikov, de l'observatoire de Saint-Pétersbourg, en
Russie. Ses calculs montrent en effet que les trous de ver sont
capables de produire eux-mêmes la matière exotique nécessaire à leur
survie. Mieux, ils seraient à ce point productifs en matière
exotique qu'ils sont finalement plus gros qu'on ne l'avait calculé
précédemment. Ils pourraient donc livrer passage à des astronautes
téméraires en partance pour d'autres galaxies
DEVELOPPEMENT
Confinement de graines
Des fruits mûrs qui gonflent,
se boursouflent, sont prêts à se fendre mais résistent, gardant
ainsi leurs graines enfermées dans la cosse : tel est le résultat
auquel est arrivée une équipe de l'université de Californie (San
Diego, Etats-Unis). Comment ? En modifiant chez Arabidopsis thaliana
- la plante cobaye par excellence - deux gènes, SHP1 et SHP2. Deux
portions d'ADN qui apparemment ont pour seule et unique fonction -
par ailleurs redondante - de réguler ce phénomène de libération des
graines, ou déhiscence. Les producteurs d'oléagineux sont
particulièrement attentifs à ces avancées : le rendement chez des
plantes proches de A. thaliana, type colza, peut baisser de 20 % à
50 % si les graines ne sont pas libérées.
BREVES
De l'intelligence dans les biberons
Pour élever des nouveau-nés doués et astucieux, il suffit
d'allaiter. Des chercheurs américains ont supplémenté le lait
premier âge fourni à quelques bébés en acides gras naturellement
présents dans le lait maternel : l'acide docosahéxaénoïque et
arachidonique. Ces nourrissons ont effectivement réalisé des scores
supérieurs à la moyenne, lors de tests d'évaluation du développement
cognitif.
La Terre au régime théorique
La Terre pèserait 8 milliards de milliards de tonnes de moins
qu'on ne le croyait. Ce n'est pas suite à un régime draconien que
notre planète a maigri, mais parce que les scientifiques ont réussi
à affiner le calcul de la constante gravitationnelle. La marge
d'erreur aurait été réduite d'un facteur 100 par rapport aux
précédentes mesures. Ce qui nous donne une masse de la Terre égale à
5 972 000 milliards de milliards de tonnes.
Le « bio » prend du coffre
Un vent de polémique souffle actuellement sur les produits issus
de l'agriculture biologique : les pommes, carottes et autres salades
sont-elles réellement bio ? La dernière étude de l'Institut français
de l'environnement vient d'infirmer un argument souvent présenté :
la surface de culture est trop faible pour produire les quantités
croissantes de produits « bio » mises sur le marché. En réalité,
cette surface est en pleine expansion : + 85 % entre 1995 et 1998.
Ce qui correspond à 6140 exploitations biologiques. En outre, si
l'offre nationale reste insuffisante, l'étranger (Autriche, Suède,
Italie...) nous aide fortement à satisfaire la demande hexagonale.
Rubrique réalisée par Maryse Guez avec la rédaction
et Bernadette Arnaud, Fabien Fent, Hélène Joubert, David
Larousserie, Lionel Ollive et Hervé Ratel.
Sciences & Avenir
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