L’Expresso
du 21 février 2007 a présenté l’Expertise collective de l’INSERM
« Dyslexie, dysorthographie, dyscalculie : Bilan des données
scientifiques » de manière tendancieuse en commettant des erreurs
factuelles sur le contenu de l’expertise, et en mettant injustement en cause
les intentions des experts. Nous vous prions de porter à la connaissance de vos
lecteurs le présent droit de réponse.
- L’article du Café Pédagogique
entretient délibérément la confusion entre difficulté en lecture et dyslexie.
Pourtant, le premier passage de l’Expertise cité indique bien qu’on ne peut
assimiler l’une à l’autre. L’Expertise estime d’ailleurs que « les enfants
atteints de dyslexie représenteraient selon certains auteurs environ un quart
des enfants présentant des difficultés en lecture » (p. 700). Et précise à
maintes reprises qu’elle n’a pas pour ambition de traiter l’ensemble de l’échec
scolaire, mais seulement la petite partie qui est explicable par des troubles
spécifiques. On ne peut donc vraiment pas accuser l’Expertise de vouloir une
« pathologisation de l’échec scolaire » dans son ensemble.
- La
faiblesse de l’argumentation est critiquée à plusieurs reprises. Il est
important de préciser que le document électronique actuellement en circulation
n’est que la Synthèse de l’Expertise.
La Synthèse ne contient pas d’argumentation, elle ne fait qu’énoncer les
principales conclusions. Mais elle est précédée d’une très importante partie
d’Analyse (c’est pourquoi elle ne commence qu’à la page 635), qui, elle,
contient la description et l’analyse précise de toutes les données pertinentes,
ainsi que l’argumentation conduisant aux conclusions. Si des conclusions de la
Synthèse paraissent contestables, il serait utile, avant de prononcer un
jugement définitif, de se reporter aux chapitres pertinents de l’Analyse, afin
de prendre connaissance des données empiriques et de l’argumentation.
- Même
sans faire l’effort de consulter l’Analyse, une lecture moins superficielle de
la Synthèse aurait permis à l’auteur d’éviter quelques interprétations hâtives
et arguments sans objet. Par exemple, la lecture des pages 680-683 lui aurait
indiqué que l’hypothèse d’une influence génétique sur la dyslexie n’est pas
basée simplement sur la nature familiale du trouble, mais sur un ensemble de données
particulièrement riche et cohérent, incluant des dizaines d’études de jumeaux,
des études de liaison chromosomique, des études d’association génétique
aboutissant à l’identification de quatre gènes associés à la dyslexie, et des
études de neurogénétique montrant le rôle de mutations de ces gènes dans le
développement des particularités cérébrales observées chez les personnes
dyslexiques. On ne peut donc pas balayer l’hypothèse génétique d’un revers de
main en raillant la composante familiale ; encore faut-il proposer une
hypothèse alternative qui soit à même de mieux expliquer l’ensemble des données
des études sus-citées. Il en est de même de toutes les conclusions de
l’Expertise.
- L’Expertise
n’ignore pas du tout les « facteurs sociaux, scolaires et pédagogiques des
difficultés scolaires », et n’écarte pas « toute causalité scolaire
ou pédagogique aux difficultés des élèves ». Elle admet au contraire que
ces facteurs jouent un rôle essentiel dans l’échec scolaire en général, mais
constate qu’ils ne constituent pas la cause première de la dyslexie, qui ne
concerne, rappelons-le, qu'environ un quart des élèves en échec. Par ailleurs, elle
indique bien que l’influence des facteurs génétiques est loin d’être
déterministe. Seule une totale incompréhension des mécanismes biologiques peut
conduire à penser que les facteurs sociaux ou les pratiques pédagogiques sont
sans influence sur les troubles d’origine biologique.
- L’Expertise
ne déresponsabilise pas la société et l’Ecole de la genèse de l’échec scolaire.
Elle les déresponsabilise de la genèse des troubles
spécifiques des apprentissages. Elle précise par ailleurs que même si
l’Ecole n’est pas responsable de ces troubles, cela ne la dispense pas de les
prendre en compte, notamment en mettant en place des programmes de prévention
qui peuvent en atténuer les symptômes et les conséquences, et en proposant des
aménagements adéquats pour les élèves qui souffrent d’un réel handicap.
-
L’INSERM n’a écarté personne du groupe d’experts. Il a sélectionné les experts
sur la base de leur expertise internationalement reconnue, ce qu’il a mesuré
concrètement par leur publications sur le sujet de l’expertise dans les revues
scientifiques internationales (toutes disciplines confondues, incluant les
sciences sociales et de l’éducation). Il s’avère que l’INSERM n’a trouvé aucun
sociologue ou pédagogue français ayant publié sur la
dyslexie, la dysorthographie ou la dyscalculie dans les revues scientifiques internationales. En
revanche, il a invité Philippe Meirieu, spécialiste de sciences de l'éducation,
à réagir sur l’Expertise. Sa note de lecture critique est annexée à l’Expertise,
ainsi que la réponse des experts au point de vue ainsi exprimé.
Plus
généralement, dans un but purement rhétorique, l’article du Café Pédagogique
attribue à tort aux experts des intentions et des pensées qui ne sont pas les
leurs : pathologisation des difficultés scolaires, ignorance délibérée des
facteurs non biologiques, déresponsabilisation, vision simpliste des chemins
d’apprentissage, sans parler de l’adhésion à une école de pensée
« perverse » .
Enfin,
il est étonnant que le Café Pédagogique promeuve auprès des enseignants une
attitude anti-scientifique. En somme, il leur dit : « Peu nous
importe l’accumulation, jour après jour, de données scientifiques toujours plus
complètes, toujours plus cohérentes et convaincantes, nous refusons d’en
prendre connaissance car notre vision de l’enfant et des apprentissages est à
jamais immunisée contre les données empiriques objectives. Nous continuerons
donc coûte que coûte à croire ce que nous avons toujours cru. » N’y a-t-il
pas là tous les symptômes d’une idéologie ? N’est-il pas inquiétant de
véhiculer un tel message aux enseignants chargés d’éveiller en nos enfants la
rationalité, l’esprit critique et la démarche scientifique ?
Plusieurs
des experts co-auteurs du rapport ont récemment protesté contre la déformation
par le pouvoir politique du discours scientifique sur l'apprentissage de la
lecture ; le Café Pédagogique s'en était alors félicité. La même
rigueur conduit aujourd'hui ces experts à refuser que leurs propos soient
caricaturés. La recherche scientifique s'accommode mal des dogmatismes, de tous
les dogmatismes.
Les
auteurs de l’expertise collective de l’INSERM « Dyslexie, dysorthographie,
dyscalculie : Bilan des données scientifiques » (26/03/2007)
La France compte, dans ce
courant de recherche, un ancêtre de renom : Henri Wallon, philosophe,
psychologue et psychiatre, qui a créé (en 1925) un laboratoire de «
Psychobiologie de l’enfant ». Titulaire de la chaire de « Psychologie et
éducation de l’enfance » au Collège de France (1937 à 1947), il a fondé, avec
Hélène Gratiot-Alphandéry, la revue « Enfance » (1948). Henri Wallon a toujours
mis en avant les interrelations entre facteurs biologiques, sociaux et
psychologiques dans le développement. La France doit également à ce chercheur
un plan qui avait pour visée de moderniser et de démocratiser l’école (le plan
« Langevin-Wallon », 1945-1946).
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