Cher M. Cédelle,
Je m'attendais bien à ce que le Monde, fidèle à sa ligne éditoriale,
épingle la nouvelle expertise collective de l'INSERM, mais je ne
m'attendais pas à ce que ce soit sous votre plume. Je vous livre mes
quelques remarques.
- le rapport n'est "controversé" que par le fait que vous avez vous-même
recherché la controverse. Bien entendu, on sait à l'avance qu'il y a des
gens a priori hostiles à un tel rapport, et donc que controverse il va y
avoir. Néanmoins c'est votre choix délibéré de donner la parole
uniquement à ces personnes, à l'exclusion de tout autre commentateur.
- il est anormal que vous demandiez à des gens de commenter un rapport
qu'ils n'ont pas lu.
- il est encore plus anormal que ces personnes aient accepté de
commenter un rapport qu'ils n'avaient pas lu. C'est révélateur du fait
que pour eux, toute notion de repérage ou de causes génétiques et
cérébrales est mauvaise a priori, peu importent les données empiriques.
Qui est la proie de l'idéologie? Ceux qui analysent les données issues
de 2000 articles? Ou ceux qui sont capables de rejeter les analyses des
premiers sans même les lire?
- "on confond prévention et signe prédictif". Justement, le rapport
insiste sur le fait que les signes prédictifs ne sont en aucun cas
nécessaires pour mettre en oeuvre la prévention. La simple difficulté
dans l'apprentissage de la lecture justifie la mise en oeuvre de la
prévention préconisée, qui peut être efficace sans préjuger du
diagnostic ultérieur. Encore fallait-il lire le rapport pour le savoir.
- "rhétorique scientiste": invective gratuite.
- "on ignore les effets des contextes culturels, socioéconomiques, et
pédagogiques": pas du tout, le rapport dit bien que ces facteurs
existent et qu'ils ont un effet sur la réussite scolaire. Simplement,
ils ne sont pas la cause première de la dyslexie. Ils interagissent avec
les causes premières de la dyslexie, modulant les symptômes à la hausse
ou à la baisse. Là encore une simple lecture eut suffit à clarifier ce
point.
- "ce rapport a été réalisé à la va-vite sur un sujet très complexe":
justement, le sujet était tellement complexe que l'expertise a eu une
durée anormalement longue. Plus de deux ans nous ont été nécessaires
pour prendre en compte l'ensemble de la littérature, la synthétiser, et
trouver la juste formulation pour les conclusions et les recommandations.
- Enfin, concernant la suggestion selon laquelle une des causes
déterminantes des troubles serait de nature affective, il s'agit bien
d'une hypothèse que nous avons prise en considération, pour constater
qu'elle n'était soutenue par aucune donnée empirique. Sur 2000 articles
passés en revue, pas un seul ne fournit des données solides permettant
d'étayer cette hypothèse*.
Cela ne prouve bien sûr pas que les facteurs affectifs ne jouent
aucun rôle, simplement cela reste à démontrer. On
mesure donc le décalage entre ce que disent une partie des
"psys" français, et ce qui ressort des données
empiriques. Encore une fois, qui est la proie de l'idéologie?
Bien cordialement,
Franck Ramus
(21/02/2007)
*Je précise que les articles passés en revue ont été initialement
sélectionnés de manière totalement systématique et exhaustive par les
services bibliographiques de l'INSERM, en effectuant des recherches par
mots-clés sur les bases de données bibliographiques internationales,
incluant les revues internationales en sciences sociales, sciences
de l'éducation, psychopathologie, etc. On ne peut pas donc dire que la
sélection de la littérature excluait a priori certaines disciplines ou
approches.
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